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Porte entr'ouverte
8 octobre 2006

L’article 319 du code d’impôt sur les revenus : bonjour Big Brother !

1.

Sept heures du soir. À travers la vitre s’étale l’encre de la nuit. Bon, il faudra fermer le volet avant de bouffer… Mais comment penser à la ripaille alors que la journée n’est pas encore terminée ! Vous êtes en train de bûcher sérieusement sur un plan de relance de votre commerce d’antiquaire. L’année n’a pas offert les résultats escomptés, et ces enc*lés d’ét*tistes de m*rde ont augmenté le cadastre de votre habitation. La somme du précompte immobilier sera encore coquette l’an prochain ! Finalement, avec le recul, vous vous dites que c’était pas si nul que ça d’ouvrir le magasin dans le hangar annexé à votre maison. Mieux vaut un seul précompte plutôt que deux.

Que reste-t-il dans le frigo, au fait ? Quelques vestiges du poulet d’hier et, peut-être, du riz froid, pensez-vous. Mangé, le dernier chips ? Y a pas une conserve dans l’armoire ? Argh ! Vous n’avez même plus eu le temps de faire les courses ces trois derniers jours. Trop bossé.

Sans l’état, votre petit commerce aurait bien fonctionné, vous en êtes persuadé. Déjà la TVA : toutes ces pertes de temps pour calculer les marges bénéficiaires. Puis, l’argent qui part dans l’impôt des personnes physiques. Après, des taxes communales par ci, des redevances régionales par là. Manque plus que le précompte immobilier. Si vous recroisez un jour ce salaud qui a augmenté le cadastre il y a deux mois, vous le jurez, ce sera …

Stop ! Vous voilà reparti dans vos rêveries affamées de vengeance ! La journée n’est pas finie : il faut poursuivre le boulot ! Des tonnes de papiers se reposent, désordonnées, sur la table en vieux bois qui vous fait face. Finalement, peut-être qu’il faudrait retrouver cette lettre de l’an passé. Un antiquaire voisin qui proposait d’unir vos efforts aux siens. À l’époque, vous aviez refusé, car …

Double bruit de carillon. Sec et long. Manquait plus que ça ! Quelqu’un à la porte. Bon, après tout, pourquoi ne serait-ce pas Stéphanie ? Ça fait bien un mois que vous n’avez plus baisé ensemble, mais la fatigue vous aveugle.

Par l’œil de porte, vous apercevez une vague forme humaine. Plutôt chauve. Probablement grasse du bide. Tiens, une serviette à la main. (Ben merde, vous ne ferez pas la bête à deux dos ce soir.)

Comment réagissez-vous ?

à Si vous lui ouvrez, allez immédiatement au numéro 3.

à Si vous n’ouvrez pas, passez au numéro 2.

2.

Le carillon retentit de nouveau.

Mmh, vous réfléchissez un coup. Si vous aviez fermé ce p*tain de volet, le gros ne verrait pas la lumière à l’intérieur et ne s’acharnerait pas à la porte.

Que faites-vous ?

à Si vous vous dites que la persistance de double-gras au seuil de votre habitation est comme une deuxième chance offerte par le destin, passez au numéro 3.

à Si vous refusez, quoi qu’il arrive, d’ouvrir au malappris dégarni, allez immédiatement au numéro 9.

3.

- J’ai failli attendre, dit un sourire jaune, brillant dans la nuit.

Le barbu obèse n’est pas beau. (Oui, il porte moustache et barbe – vous voyez, cette barbe entre deux âges, blondie à hauteur de la bouche par des années de tabagisme.) Peut-être a-t-il sorti sa plus belle garde-robe pour venir vous visiter. Pourtant, ses vêtements vous évoquent des guenilles quand vous les confrontez aux classieuses tenues portées par le célèbre Lucilio at the Bandy – du moins à l’impression qu’elles donnent sur les clichés volés en votre possession.

Vous ne vous moquez pas pour autant de l’adipeux bonhomme. À qui vous fait-il donc tant penser ? Ça y est ! À Louis Michel ! Haha ! On croirait voir son frère jumeau ! Le ventre, la barbe, la calvitie ! Tout y est ! Même le regard bovin ! Haha ! … Mais … Mais … Minute ! S’il a un regard bovin, … c’est qu’il bosse pour l’état !

- Paul-Alain Vroviste, agent de l’administration des contributions directes – pour vous servir. Voici ma commission. (Il tend un papier.) Puis-je ? salive-t-il en montrant l’intérieur.

Face à cette mauvaise surprise du destin, comment réagissez-vous ?

à Si, effrayé par le visage humain de l’état, vous pétez un câble et jetez double-gras sur le trottoir un bon coup de pied au cul, rendez-vous au numéro 10.

à Si, tétanisé (version officieuse), ou plutôt fatigué de résister (version officielle), vous laissez pénétrer le ventripotent fonctionnaire dans votre chaste demeure, passez au numéro 4.

4.

- Bien, j’ai besoin de votre ordinateur. J’aimerais consulter toutes les données s’y trouvant et afférentes à votre juteux petit commerce. Puis, si vous pouviez m’apporter également vos comptes des trois dernières années, merci. Ah ! N’oubliez pas ce qui a trait à la TVA, hein ? Et, aussi, j’oubliais : les clefs du hangar. C’est bien là que vous le tenez, hein, le magasin ? Il faut que j’aille un peu voir ce qui s’y trouve. Pom-pom-pom. (Il chantonne en se dirigeant vers la table de vieux bois.) Ah ! Très bien ! Je vois qu’il y a déjà des papiers ici ! Je commence tout de suite !

Suite à ce flot de paroles, comment vous comportez-vous ?

à Si, pris d’une subite idée, vous le saisissez par le bras (« venez, le hangar, c’est par ici ») et le raccompagnez jusqu’au seuil de la porte, la refermant brusquement derrière lui (ben oui, après tout, vous êtes chez vous, vous mettez à la porte qui vous voulez), allez directement au numéro 10.

à Si vous obtempérez, poursuivez l’aventure au numéro 5.

5.

Alors que Paul-Alain Vroviste, petites lunettes marxistes sur les yeux, parcourt avidement les documents présentés, vous vous dites : j’ai faim.

Mais que faire, dans cette situation, vis-à-vis du bouffon bouffi ?

à Si vous ne lui en parlez pas, dirigez-vous vers le numéro 7. Mangez tranquillement en chemin.

à Si vous lui dites : « Ecoutez, il est l’heure de manger. Et je n’ai pas grand-chose… Vous comprenez ? », passez au numéro 6.

6.

- Oh, écoutez, ce n’est pas grave ! Je me contenterai très bien de ce que vous avez !

Le pansu barbu sourit pleines dents en terminant sa phrase ; son estomac fait écho.

Vous savez, je m’étais dit que je n’interviendrais pas directement dans ce récit mais, là, permettez-moi de vous dire que vous vous êtes fait avoir ! Ne jamais rien proposer à l’état ! Et quand on ne propose pas, il faut éviter d’être ambigu dans ses formulations ! Ceci vous servira de leçon. Vous ne mangerez pas ce soir, le fonctionnaire se gavera de vos ultimes aliments. Allez, poursuivez votre chemin au numéro 7. Et soyez plus perspicace la prochaine fois.

7.

Neuf heures du soir. Vous faites tranquillement la vaisselle. L’horloge sonne et vous rappelle à la réalité. Dehors, il s’est mis à neiger. Quelques rafales arrachent fines branches du saule de derrière.

Le pote potelé de Didier Reynders parcourt toujours vos documents. Et c’est ici qu’intervient la question cruciale : connaissez-vous l’article 319 du code des impôts sur le revenu ?

à Si oui, allez au numéro 13.

à Si non, dirigez-vous vers le numéro 8.

8.

Vous ne connaissez pas l’article 319 du code des impôts sur le revenu ? Quel dommage ! En effet, c’est ce soir-ci que Paul-Alain Vroviste, inspiré comme jamais, trouvera une faille dans votre dossier fiscal, qui vous mènera à la faillite. Pour vous, c’est la FIN.

À titre de renseignement, vous pouvez toujours consulter l’article susmentionné au numéro 11. Vous y verrez, en son alinéa 2, que les agents du fisc ne peuvent rester dans les bâtiments habités que jusqu’à 9 heures du soir.

Mais cela n’est pas le plus important. L’essence de l’article vous fera comprendre que l’état Big Brother existe déjà. Avez-vous lu de quels pouvoirs dispose le fisc ?

9.

L’obèse martelant à présent la porte, vous finissez par ouvrir une fenêtre pour l’engueuler. C’est vrai, quoi, il va tout casser ce con !

Il vous répond qu’il est agent de l’administration des contributions directes et qu’il souhaite rentrer. Vous l’envoyez se faire foutre.

Rendez-vous au numéro 10.

10.

Vous avez contrevenu à l’article 319 du code des impôts sur le revenu. Partant, vous serez sanctionné conformément aux articles 445 et 449 du même code. Suite à ces sanctions, votre commerce s’écroulera définitivement. Voici donc la FIN de cette triste histoire.

Pour consulter l’article 319 du code des impôts sur le revenu, veuillez vous rendre au numéro 11. (Vous verrez, c’est un texte empreint d’un joli accent totalitaro-communiste.)

Pour consulter les articles 445 et 449 du code des impôts sur le revenu, rendez-vous au numéro 12.

11.

Art. 319 CIR/92. Les personnes physiques ou morales sont tenues d'accorder aux agents de l'administration des contributions directes, munis de leur commission et chargés d'effectuer un contrôle ou une enquête se rapportant à l'application de l'impôt des personnes physiques, de l'impôt des sociétés ou de l'impôt des non-résidents, le libre accès, à toutes les heures où une activité s'y exerce, à leurs locaux professionnels tels que fabriques, usines, ateliers, magasins, remises, garages ou à leurs terrains servant d'usine, d'atelier ou de dépôt de marchandises, à l'effet de permettre à ces agents de constater la nature et l'importance de ladite activité et de vérifier l'existence, la nature et la quantité de marchandises et objets de toute espèce que ces personnes y possèdent ou y détiennent à quelque titre que ce soit, en ce compris les moyens de production et de transport.

           Les agents de l'administration des contributions directes, munis de leur commission, peuvent, lorsqu'ils sont chargés de la même mission, réclamer le libre accès a tous autres locaux, bâtiments, ateliers ou terrains qui ne sont pas visés a l'alinéa 1er et ou des activités sont effectuées ou sont présumées être effectuées. Toutefois, ils ne peuvent pénétrer dans les bâtiments ou les locaux habités que de cinq heures du matin à neuf heures du soir et uniquement avec l'autorisation du juge de police.

            Les agents précités, munis de leur commission, peuvent vérifier, au moyen du matériel utilisé et avec l'assistance des personnes visées à l'article 315bis, alinéa 3, la fiabilité des informations, données et traitements informatiques, en exigeant notamment la communication de documents spécialement établis en vue de présenter les données enregistrées sur les supports informatiques sous une forme lisible et intelligible. 

12.

Art. 445 CIR/92. Le fonctionnaire délégué par le directeur régional peut appliquer pour toute infraction aux dispositions du présent Code, ainsi que des arrêtés pris pour leur exécution, une amende de 50 EUR à 1.250 EUR.

Cette amende est établie et recouvrée suivant les règles applicables en matière d'impôt des personnes physiques.

Art. 449 CIR/92. Sans préjudice des sanctions administratives, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à deux ans et d'une amende de 250 EUR à 12.500 EUR ou de l'une de ces peines seulement, celui qui, dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, contreviendra aux dispositions du présent Code ou des arrêtés pris pour son exécution.

13.

Haha ! Vous avez bien baisé ce connard !

C’est clair, ça ne l’empêchera pas de revenir un autre jour, le lendemain par exemple. Mais sachez qu’il ne retrouvera jamais l’inspiration d’aujourd’hui. (C’était, en quelque sorte, son jour de gloire, celui où il aurait même convaincu un clochard de fraude fiscale, et vous y avez mis fin légalement.) Vous pouvez désormais dormir sur vos deux oreilles. Et vous concentrer sur votre commerce d’antiquaire.

Si vous ne comprenez pas cette victoire, rendez-vous au numéro 8.

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Commentaires
W
Je ne dirai pas que "les grands esprits se rencontrent", mais sachez qu'aujourd'hui même, l'excellent Maître du monde Harry Peal nous gratifie également d'une "histoire dont on est le héros". <br /> Lien: http://users.skynet.be/maitredumonde/index_bis.htm
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