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Porte entr'ouverte
5 juin 2007

Du réducteur axe gauche - droite au diagramme de Nolan

La majorité des militants, commentateurs et politiciens schématisent grossièrement un axe gauche - droite lorsqu’ils abordent les grands débats politiques. Certes, derrière la bipolarisation en question se cache toute une histoire. Toutefois, cet axe jette surtout un voile sur les yeux des individus dominés par l’état. En effet, il monte les citoyens les uns contre les autres alors qu’ils devraient plutôt s’unir pour lutter efficacement contre leurs maîtres. En outre, l’axe gauche - droite est d’une telle imprécision que trois désavantages majeurs le grèvent.

Tout d’abord, les systèmes totalitaires (communisme et fascisme) se retrouvent chacun à une extrémité de la table alors que, dans les programmes comme dans la façon de gouverner, ils sont copains comme cochons.

Ensuite, l’axe gauche - droite évolue subrepticement, ce qui le rend historiquement peu fiable. Ainsi, Jaurès serait, à notre époque et au vu de ses prises de position, un homme de droite haï et qualifié d’ « ultra-libéral ». Ainsi, alors que les politiciens belges dits « libéraux » se situaient à gauche au XIXè siècle, leurs successeurs séculaires du PRL furent catalogués à droite. Inversement, si le Parti catholique occupait la droite de l’échiquier au XIXè siècle, son (indigne) successeur, le cdH, concurrence actuellement le PS à gauche. Par ailleurs, des objections similaires peuvent être formulées au niveau géographique : le moindre apparatchik du MR en Belgique ou de l’UMP en France se situerait à la gauche des Démocrates aux États-Unis.

Enfin – troisième critique – certaines pensées politiques ne peuvent se situer sur ledit axe. C’est le cas du libéralisme : celui-ci grogne tant contre les politiques de droite que contre celles de gauche. Si les libéraux, comme la gauche, condamnent fermement les collusions entre état et patron, ils fustigent, comme la droite, les trop lourds impôts pesant sur les individus et les entreprises. Si les libéraux, comme la gauche, soutiennent les immigrés néo-arrivants, ils rejettent, comme la droite, les politiques d’assistanat prônées par certains. Si les libéraux, comme la gauche, sont attachés à la paix, ils n’acceptent pourtant pas, comme la droite, l’interdiction de la vente libre des armes à feu. Si les libéraux, comme la gauche, estiment que la vie ne doit pas être basée sur l’économie ou l’argent, ils pensent néanmoins que les marchés ne peuvent être régulés par l’état. Si les libéraux, comme la droite, jugent la concurrence nécessaire, ils l’entendent d’une autre façon et conspuent l’Union européenne.

Face à ces désavantages majeurs, l’on se devait de réagir. C’est ce que fit le libertarien David Nolan lorsqu’il imagina son fameux diagramme dont je traiterai aujourd’hui. Mettez vos lunettes spéciales : nous rentrons dans la deuxième dimension.

diagramme_de_nolan_3

Le diagramme de Nolan, comme vous pouvez le constater, repose sur deux axes, que nous graduerons de 0 à 10 pour faciliter la compréhension. Le premier, penchant vers la gauche, est celui des libertés individuelles ; le second, dérivant vers la droite, celui des libertés économiques. Dans les libertés individuelles sont comprises la liberté de circulation (émigration et immigration), la liberté d’expression, la liberté de culte, la liberté de la presse, la liberté d’enseignement, la liberté d’association, la libre possession de son corps et d’autres principes comme la propriété et l’inviolabilité de celle-ci. Quant aux libertés économiques, nous pourrons déterminer leur niveau en fonction des critères suivants : liberté d’entreprendre, niveau des impôts, marché libre, présence de services publics, etc.

Reste à étudier comment se transpose l’unidimensionnel axe gauche - droite dans la deuxième dimension.

diagramme_de_nolan_5

En principe, l’aile gauche devrait être occupée par ce qu’on a tendance à appeler « la gauche », l’aile droite par les conservateurs, tandis que la partie inférieure regrouperait les totalitaristes de tout poil, qu’ils soient de gauche ou de droite. Évidemment, ce diagramme vaut pour les sociétés un tant soit peu regardantes aux différentes libertés, comme les Etats-Unis. (Les démocrates protestent quand des lois liberticides comme le Patriot Act sont adoptées ; les républicains crient au loup quand les démocrates souhaitent augmenter les impôts.) Dans les pays francophones d’Europe, où l’amour de la Liberté a décru au fil des ans comme dans un vieux couple, il est évident que cet équilibre n’est pas respecté. Les différents partis occupent des places fort serrées autour du centre et des extrêmes. Je détaillerai tout ceci un autre jour de la semaine : revenons, pour l’heure, à nos moutons.

Certes, ce diagramme est critiquable : la Liberté ne se divise pas en plusieurs sections ; elle forme un ensemble uni et indivisible. Ainsi, si l’état taxe et impose, il ne respecte pas non plus la propriété. Si l’état tempère la liberté d’entreprendre, il enfreint également la liberté d’association. Si l’état combat le marché de la drogue, il dégouline sur la libre possession de notre corps. Etc.

Pourtant, s’il n’est pas parfait, le diagramme de Nolan permet de gommer les grosses défaillances de l’axe gauche - droite. Ainsi, il regroupe, comme nous l’avons vu, les totalitaires dans une seule et même catégorie. D’autre part, il facilite l’appréhension historique des programmes politiques, ainsi que la compréhension des systèmes politiques étrangers. Enfin, il laisse entrevoir clairement la place des libéraux et libertariens dans la classification des idéologies politiques.

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Commentaires
R
Très intéressant ! Enfin quelque chose de réaliste où je peux me situer !!
R
Venant du CEVIPOL, ce qualitatif ne constitue du reste pas une insulte.<br /> <br /> Ceci dit, ils se sont basés sur le programme de 2003 et non de 2007, c'est à dire à l'époque où Louis Michel était plus puissant que jamais.
L
C'est pas moi qui le dit, c'est une étude de CEVIPOL : <br /> http://www.7sur7.be/hlns/cache/det/art_483153.html?wt.bron=hlnMatrix<br />
R
très amusant ce test, je suis pour ma part considéré comme "conservative". Peut-être qu'il y a 30 ou 25 ans, j'aurais fait la jonction entre le vieux PSC et le Parti libéral: allez savoir ...<br /> <br /> Ceci dit, je suis d'accord avec Wali: la frontière entre la gauche et la droite n'a pas de sens. De surcroît, dans le discours commun (notamment médiatique), elle ne sert qu'à valoriser les vaillants auto-proclamés "progressistes" face aux "suppôts de la réaction". <br /> <br /> Le seul clivage qui compte aujourd'hui, c'est la distinction entre d'une part les libéraux et d'autre part les collectivistes - ceux-si se retrouvant dans tous les partis. Cette dernière constatation était d'ailleurs vraie voici déjà six décennies puisque c'est aux "socialistes de tous les partis" que Hayek dédicaçait en 1944 la Route de la Servitude.
C
Voila un excellent travail !!! La Porte Entr'ouverte devrait être reconnue comme organisme d'éducation permanente en communauté française. ah merde, c'est pas libertarien ces trucs d'endoctrinements étatiques... hehehe<br /> J'ai fait le petit test de l'abbé. Et devinez quoi ????? je suis "libertarian" aussi !! Je suis vachement étonné. Je vais de ce pas me présenter à la maison d'arrêt la plus proche. Je suis un individu dangereux pour le totalitarisme et je mérite d'être privé sur le champ de ma liberté si chère.<br /> vivement la suite de l'étude ;-)
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